De Schaduwwerkers (Les travailleurs de l’ombre), de Annelein Pompe, SIC (SoundImageCulture) et Atelier Graphoui, 47 min., VO franç., néerl., angl., VOSTF, Belgique, 2021 – Prix Scam 2022 remis au BAFF – Brussels Art Film Festival, par un Jury composé de Rokia Bamba, Laetitia Miklès et Andrea Cinel.
Ce film croise l’histoire d’un travailleur de la nuit, d’une jeune fille qui vaque sans grand enthousiasme à son boulot de vendeuse, de colombophiles obsédés (très en vogue dans les Flandres), le tout rapporté par cet étrange pigeon qui a le port de la tête inversé. Autrement dit, qui voit tout à l’envers. Emigré pakistanais, Usman tient un night shop une fois la nuit tombée, mais le jour il s’occupe de ses pigeons ainsi qu’il écrit de la poésie qu’il adore déclamer. Clara qui a séjourné au Pakistan, c’est la « Bonne-à-rien » ou « nietsnut » en flamand, expression de patois qui fait résonner un sens de l’incompétence, de la peine perdue, de la fénéantise, du voyou, du loser – dont on imagine aisément la mise en image par Brueghel ou James Ensor. Elle vend du miel. Peu de monde passe à la boutique.
Les commerces de l’un et l’autre se font vis-à-vis. Au gré des échanges, Usman ouvre l’imaginaire de Clara qui aurait aimé être artiste. Tandis que Lukaku, comme se dénomme le pigeon tête en bas et fin narrateur de cette fable enivrante, se prête au jeu d’une observation de son œil par un illustre photographe colombophile. Voit-il clair ? L’oiseau autant que la caméra (qui s’inversera à 180° et qui débordera de son champ) nous apprennent sur fond anthropologique, que le monde vit à l’envers, que la vie fonctionne à reculons parfois ! Là où la peinture aurait pu surgir, la nécessité fait loi. Sauf que le film aux plans léchés, nous offre d’en déborder… ou d’en découdre. Le philosophe et écrivain Martijn Wallage a écrit une belle critique du film (en anglais).
Annelein Pompe est une peintre et cinéaste néerlandaise qui vit et travaille à Bruxelles. Elle est diplômée du Département d’Image & Langage de l’Académie Gerrit Rietveld (2011) à Amsterdam, et a notamment participé́ au programme 2016 de Sound Image Culture (SIC), un lieu de travail dédié au cinéma et à l’anthropologie, situé à Bruxelles. De
Schaduwwerkers (Les travailleurs cachés) est son premier film.